## En bref
C’est l’histoire d’un mec, qu’est pas particulièrement brillant, pas complètement naze non plus, qui va se retrouver malgré lui aux bons endroits, aux bons moments et qui va faire des trucs. Ou ne pas les faire. Et qui va s’en vouloir pour ces deux raisons.
C’est vraiment à lire. Aussi comme je vais gâcher quelques éléments de l’intrigue, je t’invite, si tu ne l’as pas lu, à fermer cet article, éteindre ton ordinateur et à aller à la bibliothèque la plus proche pour emprunter un livre je te laisse deviner lequel ^^ et bonne lecture !
Toujours là ? OK !
## En un poil plus long
C’est un récit médiéval-fantasy écrit par **Robin Hobb** AKA Megan Lindholm, auteure pour le moins prolixe. Y’a 13 tomes (et pas des poids plumes) rien que pour les deux premiers cycles, autant dire qu’on peut faire sa muscu rien qu’en lisant.
L’histoire nous est contée par Fitz, principal protagoniste du roman. Il revient sur sa vie au sein de la cour Loinvoyant, dynastie régnant sur le royaume des six-duchés.
#### Le royaume des Six-Duchés
Petite région plutôt tranquille d’un monde vaste. Coincée sur un bord de mer d’un côté avec ses terribles pirates Outriliens, et bordée de l’autre par le mystérieux royaume Montagnard. Le royaume a une histoire riche et complexe qui s’articule autour de sa capitale Castelcerf.
La construction géopolitique de ce monde est très variée. Les Six-Duchés, par exemple, sont une organisation patriarcale avec un roi. Les Outriliens, au contraire, sont matriarcaux avec un héritage des terres de mère en fille. Les Montagnards pour leur part sont un peu particuliers, ils ont un roi mais celui-ci est « l’oblat », c’est-à-dire le serviteur du peuple, la pyramide du pouvoir est inversée. Je ne vais pas parler de « Chalcède » ni de « Terrilville » qui ne sont qu’à peine cités dans le récit mais eux aussi ont leurs spécificités.
#### Fitz et ses papas
Fitz est le fils illégitime, d’où son nom, de Chevalerie, fils aîné du roi, prince servant et par conséquent : héritier de la couronne. Élevé par sa mère, dont on entendra finalement peu parler, Fitz est confié à Burich, le bras droit de son père alors qu’il est encore tout petit. Il ne rencontrera jamais Chevalerie, lequel apprenant l’existence de ce fils bâtard renoncera au trône et se retirera loin de la cour.
Fitz va dont être élevé par Burich, maître des écuries de Castelcerf et meilleur ami de son père. D’une nature fidèle et intègre, Burich a, comme son nom peut le laisser entendre, un caractère rude et coriace, un peu comme une épaisse souche de chêne mal dégrossie avec laquelle on aurait essayé de faire une table.
Umbre, personnage intrigant, est l’homme de main du roi Subtil. Officiellement mort, Umbre agit discrètement dans l’intérêt de l’état. Assassinat, chantage, espionnage, tous les moyens sont bons pour la protection de l’état. Il va former Fitz à ses obscures méthodes pour en faire un outil mortel dans la main de son souverain.
Vérité, frère cadet de Chevalerie, il lui succède en tant que prétendant au trône. Oncle bienveillant de Fitz, Vérité se serait bien passé de la responsabilité de la couronne qu’il assume pourtant avec courage. Il incarne la personne qui ressemble le plus à son père Chevalerie, et qui probablement le connaît le mieux.
Burich, Umbre et Vérité, chacun à leurs manières vont palier à l’absence de Chevalerie dans l’éducation et l’instruction de Fitz. L’absence et la faillibilité de la figure paternelle semble d’ailleurs être un sujet récurrent dans les romans de Robin Hobb.
Et pour finir, l’exception qui confirme la règle, une mère. Fitz représentera pour dame Patience, la veuve de Chevalerie (Oups spoil !), la preuve de l’infidélité de son mari mais aussi le fils qu’elle n’a jamais pu lui donner. Elle deviendra la mère que Fitz n’a jamais vraiment eu.
#### Fitz, le bâtard ultime
Fitz est un “bâtard” à bien des égards. De sang de par sa filiation, noble d’un côté et roturière de l’autre, mais aussi de magie, car il possède deux magies l' “Art” et le “vif”. L’Art est la magie des rois, qu’on pourrait résumer par magie de l’esprit. Elle permet notamment les communications longues distances et le contrôle mental. Le “vif” quant à lui est considéré comme une perversion, une magie impure. Il permet à son détenteur une certaine communication avec le monde animal, et la possibilité de se lier avec un animal précis, partageant ainsi leurs pensées, impressions et acuités dans un partage de l’âme.
Fitz est aussi un soldat et un assassin, soit deux manières radicalement différentes de résoudre les problèmes ^^.
Cette hybridation constante chez Fitz fait de lui un individu sans cesse le cul entre deux chaises, toujours et jamais à sa place. Quelqu’un déchiré entre ses obligations et ses aspirations, qui cherche le calme et la simplicité, mais qui se jette dans la tourmente à la moindre occasion. Sa fidélité est sans cesse partagée entre son serment au roi, son devoir d’assassin, ses amitiés, Œil-de-nuit son loup compagnon de vif, et Molly son amour de toujours.
#### Fitz et ses amours
Fitz à trois amours :
* Molly, amour d’enfance.
* Œil-de-nuit, son compagnon de vif.
* Le fou, une relation particulière, teintée d’amour platonique dans un sens et d’affection profonde dans l’autre.
Fitz sera toujours tiraillé entre ses trois personnages dans des relations qui nécessitent pour chacune une exclusivité, sans jamais la demander.
#### Fitz et ses enfants
Dans les deux premiers cycles de cette épopée, Fitz va développer trois types de relation filiale :
* Ortie : Sa vraie fille, qu’il ne va pas élever.
* Heur : Un garçon qu’il va adopter.
* Devoir : Son fils qui n’est pas le sien.
### Conclusion intermédiaire
Encore une fois Hobb déploie devant nos yeux un éventail de relations différentes mais semblables comme si elle recherchait l’exhaustivité de tout ce qui est possible. La manière dont je décrit cet aspect de l’écriture de Hobb parait schématique, malgré tout on ne se rend pas compte un seul instant de la structure du récit tellement c’est nuancé et diffusé discrètement à travers, je le rappelle, 13 tomes. Je ne suis même pas sûr que Hobb se soit rendu compte des déclinaisons qu’elle opérait. Il m’a fallu trois lectures intégrales pour me rendre compte de certains détails, et je suis sûr que j’en ai loupé ^^.
#### L’intrigue
Plusieurs intrigues s’entremêlent et s’enchaînent au fil du récit discrètement camouflées dans un contexte riche. Tout d’abord le narrateur, Fitz vieux, raconte son enfance et le début de ses apprentissages. Garçon d’écurie, assassin, artiseur (rapport à la magie de l’art), espion, il apprendra aussi la lecture, l’algèbre, l’étiquette et même la musique, domaine dans lequel il se révélera particulièrement médiocre ^^. De manière générale, Fitz est loin d’être un crack. Je pense qu’entre ses remords, hésitations, remises en question, foirages et autres talents de cet acabit, Fitz obtient un bon 9.5/20 avec un point bonus pour sa bonne volonté.
Erratique.
Voila, c’est ça, c’est un être erratique. Il ne sait pas vraiment qui il est, d’où il vient, ni même ce qu’il faut faire. Il va rencontrer un personnage important, le fou, qui est celui qui tient la trame de l’histoire, quasiment littéralement. Et ce dernier va placer Fitz aux bons endroits aux bons moments dans le but avoué de changer l’histoire. Fitz va faire des choix, parfois bons, parfois mauvais, et il va les assumer, parfois de la bonne manière, parfois non.
Finalement tout dans les manœuvres du fou conduit à un seul objectif, et les différentes intrigues secondaires y conduisent indirectement. Le combat contre les Outriliens et la quête de Vérité au-delà du royaume montagnard amène à la naissance de Devoir et par la même occasion l’alliance avec les montagnards. Devoir va provoquer l’insurrection des “Pies”, et une certaine réconciliation des duchés avec le vif. Devoir est aussi la clef de l’alliance avec les Outriliens et par la même de la libération de « Glasfeu », et par conséquent de la renaissance des… Bon je m’arrête là, au cas où certains seraient trop curieux. Qui lira, comprendra.
#### Le traitement de la fantasy
L’assassin royal est indéniablement un récit de fantasy, mais une fantasy subtile. Point question ici de boules de feu, d’incantations et de vieux sorciers barbu. Les deux principales magies sont l’Art et le vif, mais il y en d’autres, la magie des haies pour ne citer qu’elle. Ce qui est intéressant dans le traitement de la fantasy de Hobb, c’est qu’elle n’est pas super-extraordinaire, elle est juste un peu au-dessus de la norme. L’Art peut s’apparenter aux intuitions, aux regards qui en disent long, et aux vieux couples qui n’ont pas besoins de se parler pour se comprendre. Décuplé à un niveau supérieur, on pourrait alors appeler ça la prémonition et la télépathie. Le vif pour sa part décrit ceux qui ont une empathie naturelle avec les animaux, ceux qui ont une complicité et un charisme avec eux. Ça devient alors de la communication mentale avec les animaux, des transferts de consciences, des sens extra-anthropo-normés…
Hobb a pris le parti, non pas de rompre avec le réel, mais de le booster à la vitamine C. Deux reproches peuvent être fait à cette remarque :
* La fantasy n’est et ne sera jamais que l’extension de ce qui existe, autrement dit on ne peut rien imaginer qui n’existe pas, du moins qui ne prend racine dans le réel.
* Ben oui mais t’as oublié de parler des dragons, tout ça… C’est pas de la grosse fantasy bien lourde ?
Ce à quoi je retoquerais : Alors oui, mais bon, euh voila quoi… Sans oublier que cette distinction permet notamment une meilleure :
* Accessibilité, ce roman est donc un récit médiéval saupoudré de merveilleux.
* Immersion du lecteur.
* Écho dans le réel : D’une certaine manière nous avons tous le vif et l’Art, et ça Hobb le décrit très bien dans certains chapeaux de chapitres.
#### Conclusion
À travers l’assassin royal, et une bonne partie des autres cycles qu’elle a écrits, Hobb a tissé une fresque monumentale dans laquelle Fitz va progresser et grandir. À bien des égards il va changer l’histoire, et cette dernière lui rendra douloureusement la pareille. Le récit regorge de multitudes de détails qui enrichissent l’univers et nous immergent complètement.
Si tu ne l’as pas lu, bonne lecture ! Sinon dis moi ce que tu en as pensé !